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XII. Donizetti en résidence surveillée...

jeudi 7 mai 2020, par L’équipe de l’EMGC


Bonjour à tous !

Voici ma dernière fiche d’histoire de la musique de la période de confinement.

Mais comme dans beaucoup de nos écoles l’enseignement à distance continuera jusqu’en juin, j’ai encore de la réserve !

XII. DONIZETTI EN RESIDENCE SURVEILLEE

Comme tous les lundis, madame Ricozzi, de Bergame, se rendit chez son boucher. Elle commanda plus de viande qu’à l’habitude car elle devait recevoir des cousins en provenance de Parme. Le boucher la servit avec plaisir. (« Il y en a un peu plus, je vous le laisse ? »). Margherita Ricozzi paya son dû. Comme elle ne voulait pas s’encombrer de monnaie, elle décida de laisser au boucher ses sous restants.

« Mettez les dans la soucoupe, lui dit-il ! »

Margherita jeta donc ses pièces dans la soucoupe prévue à cet effet, sur le comptoir.

« Grazie, Signora ! »

La soucoupe en question n’était pas ordinaire. C’était, en fait, la calotte d’un crâne humain qui avait été découpée.

Et le crâne en question était celui de… Gaetano Donizetti. Oui, le grand compositeur de « Lucia di Lammemoor » ou « Don Pasquale », la « Favorite », l’ »Elixir d’amour » ou la « Fille du Régiment » !

Voici l’histoire.

En 1845, à l’âge de 48 ans, alors qu’il se trouve à Paris et qu’il a derrière lui une magnifique carrière de compositeur, Donizetti commence à être atteint de sérieux troubles nerveux. C’est, sans doute, une conséquence de la syphilis. Il perd progressivement la parole, marche de plus en plus difficilement. Il sombre peu à peu dans la folie – lui qui l’a si magnifiquement évoquée dans ses opéras !

Les amis et la famille de Donizetti s’inquiètent. Ils préviennent le frère du compositeur, Giuseppe, qui est directeur de la musique militaire à Constantinople. Giuseppe ne pouvant se déplacer envoie à sa place à Paris son fils Andrea.

Sans hésiter, Andrea fait interner son oncle dans la maison de santé du docteur Esquirol à Ivry-sur-Seine.

Là, le compositeur est isolé du monde. Moments de lucidité et d’égarement.

Des gens viennent lui rendre visite. En particulier le grand ténor Duprez : « J’allai le voir. Il pouvait à peine se soutenir. Je cherchai à faire jaillir une étincelle de cette grande intelligence éteinte. Je lui chantai un extrait de sa belle « Lucia ». Il me proposa de m’accompagner. Ses mains tombaient au hasard des touches, c’était affreux ! »

Ses amis, pensant que le maintien de Donizetti en internement était traumatisant, décident de le faire revenir chez lui, au 6 de la rue Chateaubriand, près des Champs Elysées. On est en 1847.

Il reçoit des visites. En particulier celle de son cousin Michele Accursi, accompagné de son fils Roméo, futur directeur de l’orchestre symphonique de Monte-Carlo.

Conseil de famille et d’amis. Tout le monde estime qu’il serait bien de ramener Donizetti dans sa ville natale de Bergame.

Mais, pour une raison qu’on n’a jamais sue, le préfet de police de Paris, Gabriel Delessert, s’oppose à ce qu’il quitte la France. Il fait placer des policiers devant son domicile . Voilà Donizetti assigné à résidence.

Gaetano, le frère, finira par débloquer la situation en intervenant auprès de l’ambassadeur d’Autriche à Constantinople, lequel fera agir la Cour de Vienne auprès de la France.

Donizetti est donc transféré à Bergame en 1848. Il y meurt la même année.

Pour une raison là encore inconnue, une autopsie fut faite. C’est un certain docteur Carcano qui officia. Pourquoi celui-ci décida-t-il de garder un morceau du crâne du musicien ? Par fétichisme, par admiration ? Toujours est-il qu’à la mort du médecin, ses biens et objets furent vendus. Et c’est ainsi que la calotte crânienne fut acquise par un boucher qui, ignorant certainement son origine, la transforma en réceptacle à monnaie.

« Grazie, signora ! » disait-il aux femmes qui avaient déposé leur obole !

Des musicologues et historiens finirent par retrouver la trace de cet incroyable objet, le récupérèrent et le conservèrent en lieu sûr.

En 1951, lors d’une exhumation en présence d’officiels, la calotte fut restituée au squelette du musicien. On constata qu’elle correspondait parfaitement à ce qui restait du crâne.

Cent trois ans après sa mort, le compositeur de l’air de la folie avait retrouvé toute sa tête !...

André PEYREGNE


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