XI. Satie et ses quatorze parapluies...
lundi 4 mai 2020, par
Bonjour à tous et à Thomas.
Merci pour vos mots chaleureux.
Suite de la série des compositeurs en isolement pour les cours d’histoire de la musique en période confinée.
XI : SATIE ET SES QUATORZE PARAPLUIES
Satie est mort.
On est le 1er juillet 1925.
Le lendemain, ses amis, au nombre desquels figurent Poulenc et Auric, se rendent chez lui, dans sa maison qui fait l’angle des rues Cauchy et Raspail à Arcueil. Ils s’apprêtent à pénétrer dans son appartement. Personne n’ y était jamais entré. Satie avait toujours interdit qu’on lui rende visite.
Que vont-ils découvrir ? Un choc. Un taudis. L’appartement est réduit à une pièce. Cet homme si drôle qui disait « Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde » vivait dans la misère. Personne ne savait. Ne disait-il pas « mon palais épiscopal » pour parler de son chez lui ? C’était pour donner le change.
Les amis trouvent un désordre indescriptible, deux pianos désaccordés remplis de courrier non ouvert, une collection de quatorze parapluies noirs, tous identiques, une série de costumes de velours, tous semblables à celui qu’il portait toujours et avec lequel il se donnait un air de dandy. On l’avait surnommé « velvet gentleman ».
Satie n’avait jamais demandé d’aide. Certes, Satie parlait de la « jeune fille aux yeux verts » avec laquelle il vivait . Il désignait ainsi sa misère mais personne n’y avait fait attention !
Il s’était installé là, à l’âge de 34 ans, en 1901, en cet endroit précédemment occupé par un clochard connu de Picasso. Il n’y avait ni eau ni électricité.
Satie n’avait plus les moyens de vivre à Montmartre où il fréquentait Mallarmé, Verlaine, Debussy, le poète espagnol Contamine, avec lequel il partageait un costume, ou encore Alphonse Allais qui le surnommait « Esotérik Satie ».
Les bons mots de Satie faisaient mouche : « L’air de Paris est si mauvais que je le fais bouillir avant de respirer ! » ; « Les pianos c’est comme les chèques, ça fait plaisir à ceux qui les touchent » ; « Pour vivre longtemps vivez vieux ! » ; « Qui habite une tour est un touriste ».
D’Arcueil, il allait à pieds à Paris, pour économiser le prix ds transports. Il vivait là dans la solitude. Fêtait seul ses anniversaires.
Il cachait derrière son humour une mélancolie qui remontait à l’enfance. Il avait été marqué par la mort de sa mère lorsqu’il avait 6 ans, de sa sœur, de sa grand-mère qu’on avait retrouvée morte sur une plage.
Il avait été renvoyé du conservatoire parce qu’il en refusait les règles. Il préférait composer ses « Morceaux en forme de poire », ses « Préludes flasques », ses « Gnossiennes »- ou encore ses célèbres « Gymnopédies » pleines de tendresse et de mystère. Il mit une machine à écrire au milieu de l’orchestre de son ballet « Parade », sur un livret de Cocteau, dans des décors de Picasso, et fut mis en prison pour avoir insulté un journaliste qui avait critiqué l’œuvre.
On ne lui connut qu’une liaison féminine (Il se disait « myope de naissance et presbyte de cœur »). C’était avec la peintre Suzanne Valadon, demandée en mariage le jour de leur rencontre. Après leur séparation, il composa les « Vexations » pour piano qui consistaient à répéter 840 fois le même thème pendant vingt-quatre heures !
Il vivait la nuit, traînait dans les bars, buvait l’absinthe. « Plus je connais les hommes, plus j’admire les chiens, disait-il, désabusé ». Il ajoutait : « Si je ris, c’est sans faire exprès ». Et il concluait : « Vivre, c’est inutile ! » .
A Arcueil, ses amis n’eurent pas besoin de faire l’inventaire de ses parapluies. Satie l’avait fait avant eux :
- un de secours (de couleur noire)
- un just in case (de couleur noire)
- un malheureux (de couleur noire)
- un plus solide (de couleur noire)
- un qui s’envole (de couleur noire)
- un jetable (de couleur noire)
- un très digne (de couleur noire)
- un imperméable (de couleur noire)
- un que l’on peut casser (de couleur noire)
- un qui nous attend (de couleur noire)
- un très intimidant (de couleur noire)
- un alambiqué (de couleur noire)
- un très sportif, qui défend bien (de couleur noire)
- un dernier, gentil, juste pour les dimanches (de couleur noire).
Le 1er. juillet 1925 n’était pas un dimanche mais un mercredi. Satie n’avait plus besoin de parapluie…
André PEYREGNE
Vos commentaires
# Le 9 septembre 2020 à 15:56, par Tera En réponse à : XI. Satie et ses quatorze parapluies...
Bonjour !!!
J’ai aimé votre site !!!!
merci !!!
une amoureuse de la musique du Brésil !!!
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