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VI. Wagner exilé par Louis II de Bavière...

jeudi 16 avril 2020, par L’équipe de l’EMGC


16 avril, 16:09

Chers tous,

je poursuis ma série des Grands compositeurs en isolement publiée dans la Lettre du Musicien : après Bach, Chopin, Chostakovitch, Rachmaninov, Beethoven, aujourd’hui Wagner.

VI : WAGNER EXILE PAR LOUIS II DE BAVIERE

Le 10 décembre 1866, à 5 heures du matin, Richard Wagner, transi de froid, se présenta avec son chien Pohl sur le quai de la gare de Munich. Il s’apprêtait à prendre le premier train. Il venait d’être condamné à l’exil par le roi Louis II de Bavière. Béret enfoncé sur la tête, enveloppé dans une cape au col de fourrure, il était pâle comme un fantôme.

A vrai dire, ce n’était pas le roi qui l’avait chassé. Mais l’opinion publique.

Cela faisait des semaines que la rue commençait à gronder.

La population munichoise ne tolérait plus les largesses de son jeune roi à l’égard de Wagner. Il lui avait offert une maison à Munich, une autre près de son château de Berg. Il le recevait en fanfare dans son château d’Hohenschwangau, déguisant ses domestiques en personnages de Lohengrin. Il lui allouait une rente mensuelle, le couvrait de cadeaux, lui offrait des robes de chambre en soie.

Le peuple se souvenait des coûteuses folies de son grand-père Louis Ier. pour sa maîtresse Lola Montès. On ne voulait pas que ça recommence.

La presse se déchaînait.

Wagner se trouvait, en plus, au centre d’un autre scandale : sa liaison avec la femme du chef d’orchestre Hans de Bülow, Cosima (fille du compositeur Franz Liszt), de vingt-quatre ans sa cadette, avec laquelle il avait eu une fille, Isolde. Hans de Bülow avait dirigé la création de son opéra « Tristan et Isolde ». Drôle de façon de le remercier que de devenir l’amant de sa femme !

Alors, le 5 décembre 1865, Louis II fut contraint d’envoyer à Wagner une lettre lui demandant de partir. Le lendemain, les journaux accueillaient la nouvelle avec de gros titres : l’exil de Wagner.

Le compositeur partit donc le 10 décembre, non sans avoir reçu cette lettre ahurissante du roi : « Je ne peux décrire l’intensité de ma peine et de mon amour pour vous. Je prie à genoux devant votre buste, je verse des larmes. »

Wagner erra quelques semaines en Europe, allant jusqu’à Marseille (Son passage est signalé sur une plaque sur l’hôtel Noailles). Au début du mois d’avril 1866, il arrêta sa course dans la calme beauté du lac des Quatre Cantons.

Il s’installa dans la villa de Tribschen, à l’écart de Lucerne et du monde. La maison se dressait à flanc de colline, cernée de grands arbres. Le terrain descendait jusqu’au lac où une barque l’attendait, au milieu des clapotis.

Le loyer de la villa fut payé par Louis II.

Il y a pire comme exil ! Wagner allait passer les six années les plus calmes et heureuses de sa vie.

« De quelque côté que je me tourne c’est un enchantement, écrivit-t-il au roi Louis II. Je ne connais pas de plus beau lieu sur la terre. »

C’est là qu’il acheva de composer son opéra les « Maîtres chanteurs ». Dans le silence de Tribschen, sa tête résonnait des joutes vocales de Nüremberg, Walther triomphait de Beckmesser, les cuivres se répandaient en fanfares au milieu de son orchestre.

Cosima vint le rejoindre. Ils vécurent à l’écart du monde – même s’ils reçurent Nietzsche, Liszt ou même, incognito, le roi Louis II.

Le 17 février 1867, Cosima mit au monde Eva. Comme elle n’était pas officiellement séparée de Hans de Bülow, celui-ci accepta de donner son nom à l’enfant – comme il l’avait fait pour Isolde.

La séparation intervint peu après. L’enfant suivant, né le 6 juin 1869, porta, lui,le nom de famille de Wagner. Il fut prénommé Siegfried, du nom de l’opéra auquel le compositeur travaillait.

Wagner, en effet, avait réveillé le monde grouillant et fantastique des Nibelungen qui dormait depuis plusieurs années dans ses tiroirs. Les Walkyries s’étaient mises à hanter le parc de Tribschen. Dans la nuit, le peuple des nains s’animait sur la partition, à la lueur des bougies. Le chef d’œuvre grandissait.

Le 24 décembre 1870, Wagner fit venir un groupe de musiciens pour réveiller Cosima au matin de son anniversaire. C’est là que résonnèrent pour la première fois les voluptueuses harmonies de « Siegfried Idyll ». Lucchino Visconti a reconstitué la scène dans son film « Ludwig ». Les musiciens réveillent Silvana Mangano en étant disposés dans un superbe escalier à double volée. L’escalier, en vérité, était étroit et en bois.

Cet escalier, Wagner le descendit une dernière fois le 22 avril 1872. L’exil était fini. Allait commencer la grande aventure de la construction du théâtre de Bayreuth...

André PEYREGNE


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